En ce début d’année 2020, je ressors du placard un sujet préparé pour le passage à… 2018 et jamais publié. Il sentait un peu la naphtaline. Je l’ai donc aéré, dépoussiéré et changé quelques détails…
Les conseils photo, c’est le sujet marronnier par excellence. Que l’on publie par fainéantise ou par manque de temps. Ils pullulent sur le net, essentiellement au travers de YouTube, où ils sont proposés par des petits jeunes qui se présentent comme étant des pros. Des pros de la tchatte très certainement. De la photo, peut-être moins. C’est sûr que quand j’entends parler de la « noblesse de l’argentique et qu’on ne fait pas mieux » ou que pour faire de la photo de paysage, « sans UGA et trépied, c’est impossible », je suis perplexe.
Premier « coup de gueule » de l’année avec comme cible les idées reçues
Et je pressens que ce ne sera pas le dernier.
Alors non, pour faire du paysage, il ne faut pas toujours des UGA. Avec un 300 mm, c’est possible. Dans les idées reçues, celle-là est pas mal du tout. La preuve en image. C’est différent en termes de résultat obtenu et de façon de composer.
Dans le même ordre d’idées, le trépied n’est pas une obligation, loin de là. En pratique, il me sert que pour les poses longues. Ou pour les photos de tests d’objectifs. Ce qui fait que je ne l’utilise que rarement, car c’est très contraignant, sans compter qu’on gêne ceux qui sont présents. Il ne faut pas l’oublier, on n’est pas seul au monde ! De plus, dans une majorité de cas, ils sont des freins à la créativité. Tout simplement parce qu’ils figent le cadrage, en restreignant fortement la mobilité horizontale et verticale. Parfois, le temps de régler le boîtier selon les 3 axes et la hauteur, le sujet principal peut s’être déplacé ou parti (je pense à des animaux ou un soleil couchant par exemple).
Bref, en direct de cette année des jeux olympiques et où l’on travaillera une journée de plus, voici le grand classique, l’article de conseils photo. Un article qui s’adresse certes aux débutants, mais aussi à ceux qui n’ont pas utilisé leur appareil depuis longtemps et qui souhaitent (re) démarrer en douceur, par les bases. Car utiliser un appareil photo, ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Sauf à utiliser un smartphone (ou équivalent), reflex et mirrorless présentent souvent moult réglages possibles. Il est donc facile d’utiliser les modes basiques. Si on obtient des photos correctes la plupart du temps, une certaine frustration peut intervenir.
Faire de la photo, c’est aussi (et principalement) faire des erreurs. Cela fait partie du processus d’apprentissage. Ce qui compte, c’est d’apprendre de ses erreurs et s’améliorer. Au fil du temps, elles deviennent plus rares… sans jamais s’estomper complètement. Certaines de ces erreurs viennent souvent d’idées reçues qui restent en mémoire. Abordons donc quelques-unes.
Votre appareil fait la photo
Dans l’imaginaire de beaucoup, l’appareil photo est responsable d’une bonne photo. Si les photos sont ratées, c’est évidemment de sa faute aussi. Donc, si la production est mauvaise, c’est le boîtier qui doit être changé.
Cette façon de concevoir le problème est affligeante. Il est vrai que certains boîtiers offrent plus de possibilités que d’autres. Et il est vrai que c’est l’appareil qui prend le cliché. Mais c’est vous qui en faites la composition. Pas l’appareil (enfin, jusqu’à présent). C’est vous qui décidez de vous placer de telle manière et cadrer d’une certaine façon. Pas l’appareil. Ce qui veut dire que le premier élément à remettre en cause, c’est vous, le photographe. Une composition ratée sera synonyme de photo ratée. Même si les paramètres techniques sont bons. Vous restez la personne qui va se déplacer, se placer et appuyer sur le déclencheur.
Alors le concept de changer d’appareil/objectif/marque sous le couvert de « c’est la faute de l’appareil », il y en a assez. Assumez ! Il convient de se remettre en question. Apprenez à composer, faites un stage photo (en choisissant avec qui), cela vous servira plus de que changer de matériel sans cesse.
Nonobstant le temps d’apprentissage minimal d’un boîtier, un photographe devrait pouvoir pratiquer de la même façon, que ce soit sur un Pentax K-1 ou sur un Canon 5DS.
Mon K-10D, il fait de super bonnes photos
Oui. Mais bon, faut arrêter de vouloir conserver un boîtier obsolète sous le prétexte qu’on a l’a payé cher et qu’il faut le rentabiliser. Non, je ne suis pas en contraction avec le point précédent. En 2006, c’était un excellent boîtier. En 2010, il faisait face sans rougir à ses successeurs. En 2020, sa technologie est complètement dépassée. L’électronique est à la peine et souffre dans de nombreuses situations. Si dans des conditions normales et à ISO 100, on ne perçoit pas forcément de différences, au-delà de 400 ISO elles se feront sentir.
Aujourd’hui, changer de boîtier tous les 3 à 4 ans me paraît être un bon tempo, si on utilise réellement son boîtier. Parce que changer permet de :
- Disposer d’un appareil récent,
- Revendre son boîtier actuel à un tarif raisonnable, ce qui limite les coûts de l’achat d’un boîtier neuf. Plus on attend, plus la valeur baisse. Quand je vois certaines annonces proposant un K-10D à 600 € alors qu’un K-70 est proposé neuf à moins de 700 €, il y a vraiment de quoi s’interroger. Aujourd’hui, ce vénérable boîtier ne vaut pas plus de 50 €. Un prix qui rend malade ses acheteurs parce qu’ils l’ont payé 1000 €… il y a 13 ou 14 ans !
Évidemment, si en 4 ans vous n’avez pas fait plus de 4000 photos, il est nécessaire de s’interroger sur ses besoins réels.
La photo argentique, à la recherche du mythe perdu
Il existe ces dernières années un revival de l’argentique. Il revient à la mode. On revoit des appareils argentiques au cou de nombreux jeunes et les pellicules ressortent. Ce n’est pas une mauvaise chose. Mais de là à en faire une religion, à proclamer qu’il s’agit de la seule façon de faire de la vraie photo, il y a un pas que ne je franchirais jamais.
L’argentique, j’ai connu et pratiqué entre mes 8 et 16 ans. Elle ne me manque pas plus que cela, et encore moins les produits chimiques utilisés. Certes il existe des produits de développement moins nocifs, plus écologiques, de ce côté cela a fait des progrès. Il n’en reste pas moins que les coûts financiers et écologiques restent conséquents. Accessoirement, attendre pour savoir si mes clichés sont intéressants, je n’ai plus la patience.
Alors, il y a l’argument selon lequel une pellicule, avec son nombre de clichés limité, oblige le photographe à être plus attentif, plus soucieux de ce qu’il allait prendre. Il me laisse dubitatif, car étant adepte de la photo par la pratique, je pense que le seul vrai moyen de progresser et de s’améliorer, c’est d’en prendre, encore et toujours. Ne pas se restreindre, bien au contraire. Dans les années 80, j’ai pu accompagner un photographe professionnel dans quelques sorties. Ce n’était pas une pellicule qu’il utilisait, mais 2 ou 3 dizaines (si ce n’est plus) très facilement.
Il faut shooter et avoir une analyse critique de son travail. On peut avoir des facilités pour la photographie, avoir un « œil » pour prendre les clichés. Mais cela ne fait pas tout, bien au contraire. Il faut cultiver ce don, l’élever. Pour y parvenir, il faut pratiquer, pas se restreindre. Le numérique a bien des avantages pour cela.
Reste le fameux plaisir de développer. Il est conservé au travers des logiciels de post-traitement, sans les inconvénients. Il est même possible de conserver un grain argentique si on le souhaite, grâce à des filtres Lightroom ou le logiciel DxO FilmPack (il doit en exister d’autres, je ne les connais pas). Car c’est peut-être le seul vrai reproche que je ferais à l’image numérique, son côté parfois trop lisse, trop parfait.
Une photo argentique, c’est le vrai résultat, sans bidouille
Laissez-moi rire de cette belle idée fausse selon laquelle, avant, la pellicule donnait LE résultat vrai. Rien de plus faux. Avec une pellicule argentique, le résultat de base dépend grandement… de la pellicule (une Fuji Velvia n’a jamais proposé le même rendu qu’une Fuji Provia ou qu’une Kodak Ektachrome ou une Kodak TMax ou…).
Ensuite, la qualité des bains, le papier et le doigté du développeur ont leur part dans le futur résultat. Si une même pellicule avait pu être développée plusieurs fois, par des labos différents, on en aurait vu des différences. Sans compter qu’à partir d’un négatif, on peut faire des tirages très différents.
Le JPEG, c’est le vrai résultat, sans bidouille
Avec la bascule vers le numérique est arrivée une nouvelle idée selon laquelle l’image JPEG fournie par le boîtier est la vérité, le reflet exact de la vérité. Il est assez effarant de voir comment ce type d’idées reçues persiste dans l’imaginaire. Celle-ci est sans doute un héritage de la précédente idée fausse.
Non. Le JPEG n’est pas le vrai résultat. C’est juste un résultat, fruit de l’ensemble de corrections appliquées à l’image (balance des blancs, luminosité, contraste, netteté, saturation, etc.) et dont vous n’avez pas la maîtrise. Elles ont été décidées par le logiciel interne de votre appareil photo qui se base sur un ensemble de mesures automatiques et sur des algorithmes créés par des ingénieurs informatiques. Tout juste est-il possible d’agir sur quelques paramètres en amont de la prise de vue. Après ce Post-Traitement, votre appareil photo compresse avec perte les données et enregistre l’image au format JPEG.
Alors, en quoi ce résultat est le vrai résultat ? En rien ! C’est juste une interprétation.
Il convient aussi de conserver à l’esprit qu’en privilégiant le JPEG, il y a une perte des informations enregistrées par le capteur de l’appareil photo. En compensation, vous disposez immédiatement de photos « exploitables ». Elles peuvent être partagées immédiatement, sans traitement supplémentaire. Ce qui est bien pratique pour certaines activités ou pour donner immédiatement les photos de la soirée de Noël à toute la famille. Mais pour des raisons d’exigences, le format RAW s’impose.
Le RAW, c’est la panacée
Disons-le clairement, le RAW n’est pas un saint graal. Par contre c’est la voie obligatoire si on veut post-traiter et faire ce qu’on faisait à l’époque dans une chambre noire.
Un fichier RAW est inutilisable en l’état. Ce n’est pas une image, juste l’enregistrement des données brutes du capteur. Il nécessite donc l’utilisation d’un logiciel de Post-Traitement (tous les constructeurs en fournissent un gratuitement, sauf exception), un investissement en matériel (un RAW issu d’un K-1, c’est environ 52 Mo, soit 2 à 3 fois plus qu’un fichier JPEG) et surtout un investissement en temps. Au mieux, quelques secondes par photo, mais souvent (nettement) plus. Il m’arrive de passer plus de 2h sur une photo si elle en vaut la peine.
Et le JPEG a quelques qualités, dont la disponibilité immédiate des images. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une miniature de la photo au format JPEG est intégrée au fichier RAW, afin de permettre une visualisation rapide.
En compensation de la « lourdeur » du fichier, il y a beaucoup plus d’informations qui sont à disposition (chaque couleur primaire est codée sur 12, 14 voire 16 bits au lieu de 8 bits pour du JPEG). Cerise sur le gâteau, la balance des blancs peut être ajustée. Si le RAW est très souvent privilégié, c’est qu’il permet au photographe de redevenir acteur du Post-Traitement, comme pour le développement argentique. Il n’y a plus à subir le diktat des corrections appliquées par défaut par l’appareil photo.
Comme il n’y a pas eu de compression (ou sans perte, selon les marques), vous disposez également d’une plus grande souplesse en Post-Traitement. Par exemple, l’un des nombreux avantages du format RAW concerne le réglage de la balance des blancs que l’on pourra fixer et changer à sa convenance. Et comme il y a plus de données disponibles dans les blancs et les noirs, il est possible de « récupérer » un ciel ou éclaircir les ombres.
Le mode Auto ne se trompera jamais
Les appareils photo actuels disposent de pléthores de réglages automatiques. Pour l’autofocus, pour la balance des blancs, pour la mesure d’exposition, pour la contrainte des ISO, pour le choix du triplé Vitesse/Exposition/ISO (le mode « Auto »). Le photographe est tellement assisté qu’il en oublie l’essentiel, perdu dans un confort ouaté.
Je n’aime pas le mode « Auto ». Parce qu’on y abandonne toute responsabilité sur les décisions techniques. On ne conserve « que » le cadrage, la composition de la photo et le moment du déclenchement, ce qui n’est certes pas mineur. Le photographe n’est pas à l’abri de mauvaises décisions de la part de votre appareil. Car lui, ce qui l’intéresse, c’est d’avoir la meilleure exposition possible. Peu importe le reste. Lors d’une soirée, quand le boîtier aura choisi une balance des blancs à 7500 °K, une vitesse de 1/30 s (avec pour des personnes qui bougent) et une ouverture à f/4 (maximum de votre objectif utilisé par exemple), vous obtiendrez des tableaux parfois surréalistes, avec parfois Tata Ginette et Tonton Albert bien flous, dans un décor tirant sur le jaune.
De plus, en ne contrôlant ni l’ouverture, ni la vitesse, ni les ISO, on ferme la porte à la créativité, en réduisant toute marge de manœuvre. Adieu flou d’arrière-plan, adieu les mouvements figés. Pour exprimer ses idées photographiques, il vaut mieux fuir le tout automatique.
Si certains automatismes sont très intéressants et méritent d’être conservés en l’état (la contrainte des ISO par exemple), d’autres peuvent se révéler plus pénibles d’utilisation dans certaines circonstances, comme la BdB auto (AWB) qui peut mal réagir.
Sur-ex ou sous-ex, ce n’est pas grave
Non, non et non.
En JPEG, si la surex ou la sous-ex est très légère, on peut l’atténuer, sans miracle. En RAW, la latitude est plus importante, surtout pour les zones sous-exposées. Si on peut récupérer plus, les miracles ne répondront pas présents. Il n’est pas possible de recréer de l’information inexistante (même si dans des labos, chez Google, Adobe et consorts, les ingénieurs s’y attellent activement). Il est nécessaire que, dès la prise de vue, vous soyez au plus près du résultat à obtenir. Vérifier votre exposition avant d’appuyer sur le déclencheur.
Trier ses photos sur l’écran de l’appareil photo
L’écran LCD se situant à l’arrière de votre boîtier ne vous permet pas de vous faire une idée juste sur la majeure partie de vos clichés. Sauf si :
- C’est flou,
- Le blanc de la surexposition est omniprésent,
- La photo est noire,
- Il y a un ou des détails parasites,
- Le cadrage est raté.
Bref, tout ce qui est franchement visible. Mais pour tout ce qui est du léger flou et autres petits points, à moins de zoomer à fond sur un détail, ce sera très compliqué. Utilisant des boîtiers numériques depuis 1999, malgré l’augmentation de la taille et la qualité des écrans, je reste encore aujourd’hui incapable de pousser de nombreuses photos à la poubelle. En dehors des cas flagrants, il convient d’attendre l’import sur l’ordinateur pour effectuer un tri entre poubelle / conservé, mais non développé / à développer. Un écran de 16″, 24″ ou plus encore se révélera bien plus performant que le petit « machin » de 3 cm…
Ce petit écran a comme utilité principale de vérifier si les paramètres de prise de vue sont corrects. Guère plus. Dès lors, je me pose des questions quand on m’annonce avoir développé le RAW sur le boîtier, grâce au petit écran…
Croire que l’on doit absolument revenir avec des photos
Sauf si vous avez une obligation de résultat, vous n’êtes absolument pas obligé de revenir d’une séance shooting ou d’une sortie photo avec des clichés. Il arrive que les conditions ne laissent pas de choix. Parfois aussi, l’inspiration ne vient pas. Or la photographie, ce n’est pas qu’une question de technique. C’est aussi une question artistique, un problème d’inspiration, d’imagination. Alors, plutôt que photographier n’importe quoi, autant de ne rien prendre. Et réfléchir à tête reposée sur une explication à apporter.
Par contre, on ne peut pas progresser sans faire de photos de manière régulière. Et donc prendre davantage de photos. Non, ce n’est pas contradictoire.
Plus vous multiplierez les occasions de prendre des photos, plus vous vous multiplierez les expériences. Certes, il est possible, voire même certain, que vous ayez plus de mauvaises photos. Mais aussi vous en aurez aussi plus de bonnes. Et puis, c’est en commettant des erreurs que vous progresserez.
En ce début d’année, cela va être le moment de ressortir son appareil, de le nettoyer et le remettre en service. Les jours se rallongent (d’ici la fin du mois, on devrait avoir regagné une bonne heure de lumière supplémentaire). Le printemps s’approche et après un peu d’interruption, il faut recommencer ses gammes. Alors, pourquoi ne pas le faire en renonçant à quelques idées convenues ?
Que 2020 soit une belle et bonne année photographique. Bonnes photos !