Imprimer des photos, mais pourquoi donc ? La question mérite d’être posée, surtout quand la consommation des images se fait presque tout le temps sur un écran. Sans doute parce que pour certains, une image ne peut réellement exister que si elle est imprimée sur du papier. Pour le plaisir aussi.
Imprimer ?
La frange de personne souhaitant imprimer une photo, se divise en 2 catégories. D’un coté, majoritaire, il y a ceux pour qui le réglage standard d’une imprimante lambda à 4 cartouches d’encre suffit. Il est vrai qu’en laissant l’imprimante gérer la couleur, on peut obtenir un résultat correct. Avec parfois des différences de couleurs, de luminosité et/ou de contraste. Et la situation s’arrange fortement si l’imprimante est un peu orienté photo, comme la gamme Pixma chez Canon ou ExpressionPhoto chez Epson.
L’autre partie de la frange est plutôt à la recherche de tirage haut de gamme, qu’on appelle souvent « fine-art« . C’est pour eux que l’intérêt de la préparation d’une image à son impression prend tout son sens. Son but est de faire en sorte que le résultat papier soit le plus proche possible de ce que vous voyez à l’écran. Or plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur le résultat imprimé. Cela va de votre écran au papier utilisé en passant par l’imprimante elle-même.
Des espaces colorimétriques pas complètement compatibles
Quelques rappels
Un espace colorimétrique représente un ensemble de couleurs, plus ou moins grand. Le plus grand de tous est l’espace L*a*b* (celui des couleurs que voit l’homme). Mais, un bon espace n’est pas forcément un très grand espace couleur. Un bon espace, c’est celui dont j’ai besoin pour restituer mes photos.
Les 2 modèles les plus connus sont, sans doute, le RGB (RVB en français) et le CMYK (CMJN en français).
- Le premier est utilisé pour la restitution des couleurs sur un écran. Il est basé sur l’addition de la luminosité dans les mélanges de couleur (ce qu’on appelle la synthèse additive). Ce modèle RGB repose sur les trois couleurs primaires (RGB : Red, Green, Blue, soit en français RVB pour Rouge, Vert et Bleu). Ce sont leurs mélanges qui vont restituer toutes les autres. Toutes les couleurs commencent par l’obscurité noire, puis une lumière rouge, verte et bleue est ajoutée les unes sur les autres pour l’éclairer. L’addition des lumières va créer la couleur. Lorsque les lumières rouge, verte et bleue sont mélangées à une intensité maximale égale, on obtient un blanc pur.
- Le deuxième est utilisé pour la restitution des couleurs dans l’impression. Il est basé sur le principe du mélange soustractif. Une imprimante crée des images en combinant des couleurs CMYK (Cyan, Magenta, Yellow et Key, en français Cyan Magenta Jaune et Noir) sous forme d’encre. Toutes les couleurs commencent par un blanc apporté par la feuille de papier utilisé. Chaque couche d’encre réduit la luminosité initiale pour créer la couleur choisie. Lorsque toutes les couleurs sont mélangées, elles créent un noir pur. Si votre feuille de papier n’est pas d’un blanc absolu, alors vous n’aurez jamais cette couleur. Ce n’est pas un vrai problème, mais souligne l’importance du papier utilisé.
Des espaces colorimétriques qui ne sont pas équivalents
Parce qu’un schéma est souvent meilleur qu’une explication…
Même en augmentant le nombre d’encres utilisables sur une imprimante, il existe des différences. Et compte tenu de ces différences entre un moniteur et une impression, il est impossible de garantir une parfaite adéquation entre les deux. Que ce soit en termes de rendu des couleurs, du contraste ou de la luminosité.
Plus simplement, on ne pas obtenir ce que l’on voit à l’écran sur une feuille de papier ! En voici la preuve :
Si une couleur ne peut être reproduite sur papier, c’est que la combinaison des encres ne permet pas de la recréer. En pratique, ces couleurs non imprimables ne vont pas être remplacée par du gris. Le couple logiciel + imprimante va utiliser des nuances les plus proches possible. Mais cela ne donnera pas forcément le rendu que vous souhaitiez. L’industrie photographique numérique a donc développé des outils permettant d’évaluer ce décalage et en atténuer les effets.
Une des parades a été d’ajouter des encres supplémentaire aux 4 couleurs initiales. On a vu apparaitre des imprimantes à 6 couleurs, voire plus. La Canon Pro 100 en a 4 par exemple, les couleurs supplémentaires étant deux gris (un ‘Grey’ et un ‘Light Grey’), un Cyan et un Magenta tous deux plus légers.
L’autre parade a été d’offrir la possibilité de voir avant impression le résultat final à l’écran et de corriger. C’est l’épreuvage-écran, très utile quand on veut effectuer des tirages de type « fine art », c’est-à-dire de qualité. Ce processus va permettre de simuler le rendu d’impression d’une image sur votre écran, en tenant compte des spécificités du papier et de l’imprimante. Ces spécificités sont stockées dans un fichier, le profil d’impression, nommé profil ICC.
Le calibrage de l’écran
Si votre écran n’est pas calibré, ce sera votre première action à effectuer. Ce sujet ayant déjà été abordé, je rappellerais juste qu’il est essentiel que votre écran soit correctement étalonné. C’est-à-dire que les rouges sont bien rouges, les bleus bien bleus et les verts… bien. Pour effectuer cette tâche, une sonde et son logiciel sont nécessaires. Ils vont mesurer une couleur telle qu’elle apparait à l’écran afin de la comparer à ce qui est censé être détecté. S’il y a une ou des différences, des ajustements sont apportés.
À l’issue de l’opération de calibration, un profil ICC indiquant comment l’écran peut et doit rendre les couleurs, le contraste et la luminosité est établi et intégré dans votre système d’exploitation (valable pour de nombreux systèmes d’exploitation, comme macOS, Windows et Linux).
Ce profil, une fois créé, intégré et activé, permettra ainsi d’avoir les « vrais » signaux à envoyer pour les couleurs. Évidemment, il faut le vérifier régulièrement afin d’éviter de nouvelles dérives (le profil est alors mis à jour).
Choix du papier et profil ICC
Les papiers
Il existe de multiples papiers, allant du smooth pearl au baryté en passant par des papiers azurés ou fabriqués en bambou. Avec des grammages (le poids d’une feuille) différents. Évidemment, il existe de multiples marques dont la vie peut s’avérer parfois tumultueuse. Ainsi, la marque ILFORD a disparu… avant de renaitre un peu sous la marque LUMIERE. Certains papiers ILFORD existent désormais en tant que LUMIERE, mais j’ai l’impression qu’il existe des différences.
Le plus compliqué sera de trouver le ou les papiers qui vous conviennent. Ce qui n’est pas chose facile. Heureusement qu’il existe des packs de feuilles pour permettre de valider le rendu. Au moins chez les principaux fournisseurs : Canson, Lumière (ex Ilford), Hahnemühle ou encore Awagami. Il en existe d’autres. La situation est un peu différente chez les « petits » papetiers à tendance artisanale, pour lesquels il est difficile de trouver des échantillons.
Le mieux est d’imprimer la même photo sur différents supports, en utilisant les profils papier dédiés (vois ci-dessous). Voir et comparer les résultats vous permettra d’effectuer le choix de papier(s) qui vous correspondra le mieux.
On pourra distinguer les papiers photos simples des papiers destinés à l’impression photo de qualité, sur imprimante à jet d’encre dédié. Certains papiers sont même conforme à des conservations dans les musées (les papiers « fine-art« ). Les papiers pour impression photo sont plus coûteux et exigeants. Mais ils produisent de très bons résultats. Ils apportent une vraie valeur ajoutée aux clichés, formant un ensemble indissociable dans la démarche qualitative de nombreux photographes.
Pour mes tirages couleurs courants, j’ai choisi le Lumière Smooth Pearl 310 gr qui est en adéquation avec mon imprimante. Un bon compromis entre le tarif et la qualité.
En testant, vous pourrez aussi découvrir que certains papiers sont plus adaptés à l’impression couleur tandis que d’autres vont sublimer uniquement les images de type noir et blanc.
Dernier point, on associe souvent ce type de papier aux encres pigmentaires, mais ce n’est pas une obligation. Les papiers fine art brillants forment souvent une bonne association avec les encres colorées.
Les encres
Le rendu va dépendre aussi du type d’encre utilisé par votre imprimante. Il existe 2 possibilités : les encres à colorant ou les encres pigmentaires.
- Les premières sont un mélange d’eau et de colorants, souvent synthétiques, rarement à base de plantes. Elles présentent l’avantage de diffuser très peu la lumière, proposant ainsi des tirages aux couleurs vives et saturées. Mais elles sont sensibles à l’eau et à la lumière, ce qui peut les délaver ou les pâlir.
- Les secondes sont des encres dont les pigments sont entourés d’une résine. L’encre est alors plus résistante à l’eau et moins fluide. Les pigments se déposent sur le papier et y sèchent en collant au papier, sans le pénétrer. Ces encres pigmentées proposent un spectre des coloris (nuances, dégradés) mieux défini. Elles sont plus efficaces et proposent une durée de vie supérieure. Mais leurs prix, résolument haut de gamme, font que les encres colorées sont majoritaires.
Attention, évitez autant que possible les encres compatibles. Ce ne sont pas exactement les mêmes que celles vendues par le constructeur et des dérives existent. Autant que possible, il faut acheter les encres d’origine. Malheureusement, elles sont plus chères…
Profils d’impression
Les profils d’impression existent aussi pour le papier. Ils permettent d’indiquer à l’ordinateur et à l’imprimante les caractéristiques du papier. Il est donc nécessaire de les utiliser s’ils existent. En règle générale, tous les grands fabricants de papier en proposent sur leur site. Comme, par exemple, Canson ou Lumière. Ces profils « producteurs » sont loin d’être parfaits. Mais, à défaut d’avoir des profils personnalisés, il est tout de même préférable de les utiliser.
Ils sont à télécharger et à installer en les déposant à un des emplacements suivants :
- Mac : ~User\Bibliothèque\ColorSync\Profils\
- PC Windows : C:\Windows\System32\Spool\Drivers\Color\
Puis de le/les choisir dans votre logiciel, comme ici sous Adobe Lightroom :
Si vous venez d’installer le profil d’impression, vous devez redémarrer votre logiciel avant de continuer, sinon il ne trouvera pas ce nouveau profil.
Un profil est fait pour un papier ET une imprimante en particulier. Car il s’agit de « compenser » et de corriger l’impression en fonction du couple. En fonction de l’imprimante, les encres ne sont pas exactement les mêmes (voire pas du tout) et le papier ne réagira pas de la même façon. Il ne faut pas utiliser un profil à la place d’un autre.
Si vous être pointu et que vous avez le matériel adéquat, vous pouvez créer vos propres profils. Il suffit d’imprimer une mire de couleur et d’utiliser des sondes pour vérifier les couleurs et établir les compensations. Si vous souhaitez réaliser de vraies impressions de type « fine art », disposer de profils personnels et dédiés est presque obligatoire. À défaut d’avoir le matériel adéquat, vous pouvez utiliser les services d’un prestataire comme ici.
Le travail préparatoire étant réalisé, la prochaine étape sera l’épreuvage écran en lui même, que ce soit sous Adobe LR ou Adobe Photoshop.