Il existe de nombreuses questions sur les objectifs. Comme celles sur le cercle optique et le cercle de couverture. Aujourd’hui, je vous propose de se pencher sur des notions un peu plus méconnues. Des sujets qui méritent un soupçon de lumière…
Un rappel pour commencer
Vous le savez déjà, une optique est dédiée à une marque donnée. Et souvent, au sein d’une marque, des optiques partageant la même monture sont incompatibles avec certains boîtiers. La plupart du temps, c’est purement pour des raisons marketing. C’est ainsi que certaines marques interdisent de monter ses objectifs APS-C sur ses boîtiers FF. De plus, les nouvelles montures récemment proposées chez Canon, Nikon et Sigma sont incompatibles avec les gammes précédentes d’objectifs, sauf à acheter un adapteur dédié.
Seul son discordant dans cette segmentation, la marque Pentax qui, depuis 1975 et la sortie de la monture K, a toujours conservé une compatibilité descendante entre les diverses évolutions de la monture. Certes, un boîtier des années 80 ne pourrait pas utiliser tout le potentiel des objectifs modernes, mais il peut faire des photos avec. Les reflex récents sont toujours capables d’utiliser les premiers objectifs K. Et les objectifs dédiés APS-C (les séries DA) sont utilisables sur un FF. Pentax a décidé de ne rien interdire, de laisser le choix au photographe. Peu importe les désagréments (parce qu’il en existe) si ce dernier décide d’utiliser un objectif peu approprié, il s’agit de son choix artistique. Une liberté absolue qui peut aussi conduire à des impasses technologiques pour le futur.
Cercle optique, ou pourquoi les lentilles d’objectifs sont rondes et les capteurs rectangulaires ?
Si on parle de cercle optique, c’est bien parce que les objectifs ont des lentilles rondes. Mais pourquoi fait-on des lentilles rondes alors que films argentiques et capteurs ont des formats carré ou rectangulaire ? Les réponses sont multiples.
- La première raison est liée aux lois et propriétés optiques. En cas d’objectifs rectangulaires, la résolution verticale serait plus limitée que la résolution horizontale, sans compter certaines aberrations optiques qui verraient le jour plus facilement.
- La deuxième raison est technique. La mise au point s’effectue par déplacement des lentilles, souvent sous forme de rotation. Et il est plus facile de déplacer une lentille ronde qu’une lentille rectangulaire/carrée.
- Il existe d’autres raisons, liées à la fabrication en elle-même. Les opérations de polissage sont plus simples et plus réussies pour des lentilles rondes que pour d’autres formes. Idem pour l’application des différentes couches de traitement de l’image. Avec des lentilles rondes, l’homogénéité sera meilleure.
Le cercle optique est donc la totalité de la surface proposée par les lentilles. Et elle doit couvrir à minima la totalité de la surface du capteur (ou de la pellicule). Si souvent le cercle optique est égal (ou très proche) au cercle de couverture, pour certains objectifs il arrive que la surface du premier soit très supérieure à celle du second.
Le cercle de couverture
Le cercle de couverture est le cercle d’image pour lequel l’optique a été conçue. C’est dans ce cercle que la qualité d’image sera maximale. Pour que la lumière atteigne de manière correcte le capteur, il est nécessaire que ce cercle de couverture soit au moins égal au capteur, ce dernier devant être « recouvert » par le premier.
Quand le capteur s’inscrit tout juste dans ce cercle, le risque de vignettage dans les coins est grand. C’est là que le photographe va voir apparaître du noir. Et plus le capteur rentre juste dans le cercle, plus le vignettage sera important.
En pratique, cela se traduit comment ?
Les cas normaux
Objectif « APS-C » sur un boîtier APS-C ou « FF » sur un boîtier Plein Format
Ces 2 cas sont les associations les plus répandues. Ce qui est logique puisque ces gammes sont conçues l’un pour l’autre. Les objectifs APS-C vont couvrir parfaitement les capteurs APS-C et il en sera de même pour les objectifs FF pour les capteurs Plein Format. A noter malgré tout que pour certains objectifs, la couverture soit juste. Essentiellement pour des raisons de coût de fabrication. Cela induit un risque de vignettage prononcé, comme évoqué ci-dessus.
Objectif « FF » sur un boîtier APS-C
Pour commencer, il faut savoir qu’il n’existe aucune incompatibilité physique. Hormis un problème lié à des montures incompatibles et/ou une volonté explicite du constructeur de l’interdire, les objectifs destinés aux pellicules 24×36 ou aux capteurs FF sont utilisables sur des boîtiers à capteur APS-C. Ces ces derniers ayant une surface plus petite que les capteurs FF, le cercle optique va couvrir la surface du capteur.
Mieux, la qualité visuelle finale est censé être meilleure sur un APS-C que sur un FF. Le capteur de l’APS-C étant plus petit, le cercle de couverture sera nettement plus grand et donc, il utilisera essentiellement le centre des lentilles, là où traditionnellement, la qualité est optimale. Dans la pratique ce n’est pas toujours le cas, la diffraction et les aberrations optiques pouvant occasionner des problèmes que l’on ne rencontre pas d’habitude.
Par contre, le champ visuel ne sera pas le même. C’est ainsi qu’un 24-70/2.8 se comportera comme un :
- 36-106mm en termes de champ visuel ;
- f/3.5 en termes d’effet de profondeur de champ (perte d’un demi-diaph) ;
- un f/2.8 en termes de luminosité.
Quand on recadre dans le cercle de couverture, si l’optique n’est pas suffisamment performante pour maintenir un niveau de résolution donné, le résultat peut s’avérer mauvais. À capteur de même résolution (24mpx par exemple), un pixel d’un capteur FF mesure 6 microns de côté, tandis que le pixel d’un capteur APS-C mesure 4 microns. Or plus le pixel est petit, plus il y a exigence sur le pouvoir de résolution de l’optique. L’objectif doit donc être bon et pas un « cul-de-bouteille »…
Le cas anormal : Objectif « APS-C » sur un capteur Plein Format
Quand on met ce type d’objectif sur un capteur FF, en théorie, on va au-devant de nombreux problèmes. La plupart sont liés à la conception même des objectifs APS-C, le capteur n’étant pas entièrement couvert. Pourquoi en effet utiliser plus de verrerie que nécessaire ? Le capteur étant plus petit, le cercle de couverture est donc… plus petit lui aussi. De très nombreux objectifs sont conçus uniquement pour ce type de capteurs, avec juste ce qui est nécessaire pour couvrir le capteur. Résultat, quand on les monte sur un FF, des choses bizarres peuvent être visibles !
Dans le meilleur des cas, on aura droit au cercle optique dans toute sa beauté, comme pour les images ci-dessous. Il s’agit d’un objectif conçu pour les APS-C, un Pentax DA ★ 16-50 f/2.8. Le résultat est sans appel. Sur toute la course allant de 16 à 50 mm, le cercle optique est visible, de manière parfaite.
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Idem pour ce Sigma 17-50 conçu pour des boîtiers APS-C. Avec comme principale différence, l’apparition d’un cache qui recadre étrangement l’image.
Les clichés pris montrent aussi comment une image se dégrade fortement à l’approche des bords. La colorimétrie change, les couleurs bavent et l’image devient floue. Rien de plus normal puisque les ingénieurs optiques optimisent le comportement de l’optique en se concentrant sur le cercle de couverture, pas sur la zone entre la fin de la zone de couverture et la fin du cercle optique.
Et puis, il existe des cas où l’objectif APS-C va parfaitement fonctionner avec un capteur plein format. Ces cas sont rares, mais ils existent, pour le plus grand bonheur des possesseurs de ce type d’objectif.
Quand un objectif est conçu pour un capteur APS-C, il n’y a aucun intérêt à mettre plus de surface de verre que nécessaire. Non seulement cela alourdit le poids de l’objectif, mais également son coût de fabrication. Adapter les dimensions des lentilles au capteur APS-C est donc logique et ne peut être soumis facilement à débat. Par contre, interdire un objectif qui partage la même monture d’être utilisé indifféremment sur un FF ou un APS-C est une décision purement politique, dont on a du mal à trouver un intérêt.
Car, hormis pour tester des objectifs et voir ce qu’il est possible de faire (ou pas), il n’y a pas d’intérêt pour un photographe d’utiliser un DA sur un FF. Dans le pire des cas, le cercle cercle de couverture sera trop petit. Et dans le meilleur des cas, le cercle optique serait suffisant pour avoir une image, mais les bords seront mitigés (vignettage très marqué et résolution en périphérie d’image mauvaise).
Crédit photos et illustrations : © fyve