Dans les articles « Noir & Blanc, généralités » puis dans « Le Noir & Blanc, une discipline par goût« , j’ai abordé déjà le sujet du Noir & Blanc. Mais j’ai découvert il y a quelques temps que, contrairement à ce que je croyais, il est possible de prendre une photo RAW en monochrome. L’idée n’est pas aussi loufoque qu’elle peut paraître de prime abord. Cela tient plutôt de l’application des profils de prise de vue du boitier… ou de capteurs particuliers.
Quelques petits rappels avant d’aller plus loin
Il existe presque autant de types de RAW que de marques, voire de boîtiers. Chaque type de RAW est propriétaire. Le RAW est un fichier contenant l’information brute que le capteur transmet au moment de la prise de vue. Or le capteur a un problème, c’est qu’il ne voit qu’en intensité lumineuse. C’est donc la quantité de lumière qui arrive sur chacun de ses photosites (ses pixels), donc des valeur de gris, qui devrait être enregistrée.
Pour qu’on puisse disposer d’une image en couleur, il faudra qu’un filtre couleur soit placé au niveau du capteur. Le plus connu étant le filtre RVB dit de Bayer. Avec comme conséquence, qu’un capteur de 24mpx aura 12mpx qui verront uniquement la couleur verte, 6mpx la couleur rouge et 6mpx la couleur bleue. Cela veut donc dire que le fichier RAW contiendra obligatoirement des informations pour les couleurs rouge, bleue et verte, sans aucune information de type Noir & Blanc. Sauf pour les capteurs dépourvus de filtres et les capteurs de type Fovéon (qui ont une autre base technique).
Un dématricage, au moment de l’interprétation, créera mathématiquement les couleurs manquantes pour chacun des pixels du capteur. Il s’agit d’une opération complexe et qui peut être très coûteuse en temps, selon le nombre de pixels du capteur et la puce électronique en charge du travail (un DSP). Ce dématricage peut s’opérer au sein du boîtier quand on choisit de faire les photos en JPEG, ou a posteriori, via un logiciel externe de dématricage (Lightroom, DxO PhotoLab, Luminar, etc.).
Il est essentiel de conserver ce postulat technique en tête : le capteur capte la lumière et du moment que celle-ci passe au travers d’un filtre matriciel où chaque point est coloré avec l’une des 3 couleurs primaires, le RAW va contenir des informations colorées, sans noir ni blanc.
Le cas particulier des capteurs monochrome
Il est possible d’avoir un APN sans filtre de Bayer. Il existe au moins 2 méthodes pour y parvenir.
La première est celle mise en œuvre par Leica : se procurer auprès des fabricants un capteur sans matrice. Il suffit d’une commande spéciale, mais quand on s’appelle Leica, cela ne devrait pas être trop compliqué à obtenir. Un peu d’ingénierie informatique plus tard, la firme est en mesure de proposer la série M Monochrome (MM) à 7000 €. Une paille quand on aime !
La deuxième méthode consiste à prendre un capteur et à enlever soi-même la matrice de Bayer. Vous pourrez ainsi recycler un vieux boîtier qui traîne. Sauf qu’il s’agit d’une opération très délicate, où l’on peut endommager facilement et rapidement le capteur. Si vous souhaitez aller dans cette direction, prenez contact avec une personne qui sache réellement comment procéder. Car la matrice de Bayer est collée au reste du capteur. L’opérateur devra enlever le bloc capteur du boîtier, puis le filtre UV et la vitre protectrice du capteur (sans la casser !) avant de pouvoir s’y attaquer avec une sorte de « ponceuse » maison. Âme sensible s’abstenir !
Évidemment, si vous optez pour cette façon de procéder, il vous faudra disposer d’un logiciel capable de lire le fichier RAW obtenu sans faire de dématricage… Pas si simple à trouver que l’on pourrait croire.
Noir & Blanc et RAW pour les autres capteurs
Cela a déjà été dit et je le répète, du moment qu’il existe des filtres RVB intégrés au capteur, le RAW sera en couleur. Le fichier produit contient toujours toutes les informations nécessaires à la production d’un cliché, qu’il soit en couleur ou en Noir & Blanc. Il n’y a pas castration du fichier ! Pourtant, quand on choisit la prise de vue en mode monochrome, il est possible de conserver ce résultat en mode RAW. Par quel « miracle » ? Tout simplement par le biais des profils de prise de vue du boîtier. Évidemment, ce ne sera possible que pour ceux qui en sont pourvus. Et au prix de quelques restrictions.
Les profils de prise de vue du boîtier
Votre boîtier propose des profils de prise de vue, qui sont accessibles au travers de la fonctionnalité « personnalisation de l’image ».
L’utilisateur dispose alors de plusieurs profils, allant de « Sélection Auto » à « Traitement croisé », en passant par « Lumineux », « Paysage » ou encore « BW – Monochrome ». Sur le K-1 mark II, 13 modes sont possibles, certains offrant une certaine personnalisation. Ainsi, pour le « Monochrome », on pourra par exemple choisir la couleur du filtre (dont « infrarouge »), ou le renforcement du contraste.
Évidemment, cette personnalisation va influer uniquement sur le JPEG produit par le boîtier et en aucune manière affecter le RAW, sauf sur un point. Dans les métadonnées du fichier RAW il va être indiqué que le profil de prise de vue « Monochrome » a été choisi, avec ses paramètres associés. Lors du PT RAW avec un logiciel dédié, il sera alors possible d’utiliser le profil du boîtier et ainsi obtenir un fichier RAW avec une interprétation monochrome. À noter que ceci est vrai pour tous les profils de prise de vue proposés par le boîtier.
Les logiciels de PT RAW
Dans la réalité, ce n’est pas aussi vrai. Les profils de prise de vue sont très loin d’être reconnus par les logiciels de PT RAW, car ils sont propriétaires. Si le constructeur d’un boîtier ne fournit pas ses profils à l’éditeur du logiciel, ce dernier, à moins de faire du rétro-engeneering, ne pourra pas les intégrer et les proposer aux utilisateurs.
Adobe Lightroom, en plus de ses propres profils, prend en charge 4 des profils des K-3 II, K-1, K-1 mark II et 645Z, mais aucun boîtier datant d’avant le K-3 (inclus), ni les récents K-50, K-70 ou encore KP. Seuls les profils Éclatant, Naturel, Paysage et Portrait sont proposés. Ce qui est nettement plus que de nombreux autres logiciels.
Exit donc le profil Monochrome, même si le profil Adobe Monochrome est très proche de celui proposé par Pentax.
Par défaut, Adobe Lightroom est positionné sur le profil « Adobe couleur ». Il n’y a pas de détection automatique du profil utilisé par la lecture des Exifs.
DxO PhotoLab, dans sa version 2, prend en charge plus de boîtiers si on le compare à Adobe Lightroom.
Mais ensuite, DxO PhotoLab 2 fait dans le minimal puisque par défaut, le réglage est positionné sur le « rendu générique par défaut de l’appareil ». Il n’y a pas de détection automatique du profil utilisé par la lecture des Exifs.
Luminar, dans sa version 3 (celle qui permet le catalogage), prend en charge 5 des profils proposés par les boîtiers K-3 II, K-1, K-1 mark II et 645Z, mais aucun datant d’avant le K-3 (inclus), ni les KP, K-50 et K-70. Seuls les profils Éclatants, Naturel, Paysage, Portrait et Vibrant. Soit un de plus qu’Adobe Lightroom. À noter que le profil « Adobe Standard » est lui aussi pris en charge. Le profil Monochrome est quant à lui absent.
Par défaut, Luminar est positionné sur le profil « Luminar par défaut ». Il n’y a pas de détection automatique du profil utilisé par la lecture des Exifs.
Le cas DCU
DCU est un cas particulier puisqu’il s’agit du logiciel « maison » proposé par Pentax. À ce titre, ce logiciel prend en charge TOUS les profils des boîtiers ainsi que les modes Scènes. Il est donc complet.
Côté boîtier, il reconnaît certes les boîtiers récents et experts (comme le K-3 II ou les K-1), mais aussi d’autres boîtiers comme le K-20D, K-5 et autres, que le cliché soit en RAW ou en JPEG (même si changer le traitement sur un JPEG n’est pas forcément la meilleure idée).
Par défaut, DCU est positionné sur le profil utilisé lors de la prise de vue. Il y a donc une détection automatique du profil utilisé par la lecture des Exifs.
DCU est donc le seul logiciel, pour les RAW Pentax, capable de proposer une interprétation monochrome nativement et afficher le résultat Noir & Blanc proposé par le boîtier ! A priori, mais je n’ai pas pu tester, tous les logiciels « maison » (c’est à dire fourni avec votre boîtier) devrait être capable proposer la même fonctionnalité.
Après, on est en droit de ne pas aimer le résultat, mais ceci est un autre débat…
Illustrations : © fyve (sauf matrice de Bayer)