J’ai eu l’occasion d’essayer rapidement quelques hybrides récemment. Je dis bien essayer rapidement. Il ne s’agit donc pas de tests, car en quelques heures, il n’est guère possible de porter un jugement de valeur. Mais c’est suffisant pour se faire une première opinion et avoir une confirmation ce que je supposais suite à de précédentes prises en main.
Dans l’ordre, il y a eu le Sony α9, le Nikon Z6, le Fuji XT3 et le Lumix S1R. Disons tout de suite au risque de froisser certains, celui qui m’a le plus déplut, c’est le Nikon Z6. Non pas pour la qualité de l’image, mais plutôt pour le viseur électronique (l’EVF) qui m’a fortement contrarié. Quand on déplace le boîtier tout en gardant l’œil collé, on perçoit d’importantes saccades, comme s’il manquait de fluidité ou qu’on regardait un film à 10 images/seconde. Vraiment pas agréable, capable de donner un mal de crâne. Par contre, côté qualité photo, c’est très bon, voire excellent.
Au jeu du viseur, Fuji et Lumix arrivent en tête, avec peut-être un petit avantage pour le deuxième. Sony se classe juste derrière.
Comment fonctionne un EVF ?
Si comme pour les viseurs optiques la lumière passe toujours au travers de l’objectif, elle atteint directement le capteur, sans être réfléchie via le miroir et le prisme. Le capteur filme ce qu’il voit et le transmet, après conversion des signaux, sur un écran de visualisation, le viseur électronique. Le viseur électronique est donc juste un écran sur lequel on peut afficher beaucoup d’information.
Le gros avantage d’un EVF c’est qu’il va permettre de voir réellement, du moins autant que permet la qualité de l’écran, ce à quoi la photo va ressembler avant de déclencher. L’œil humain est fait de telle manière qu’il est capable de s’accommoder des grands contrastes dans une scène (les écarts entre zones très sombres et zones très claires ne posent que peu de problèmes. Le capteur lui en est incapable. Le résultat est que l’on pourra obtenir des zones surexposées [zones blanches, irrattrapables] ou sous-exposées [zones noires, que l’on arrive plus ou moins à corriger en post-traitement] sans que l’on ne le sache à l’avance. Avec l’EVF, terminé ce défaut puisque l’écran va montrer ce que voit réellement le capteur. Si les blancs sont cramés ou si l’image est trop noire, cela se verra immédiatement, avant de déclencher. Les corrections pourront donc être faites en amont, ce qui est un gain de temps appréciable.
Accessoirement, le boîtier peut apporter des filtres comme la prise de vue en noir et blanc. Le processeur qui gère la conversion des signaux du capteur pour les transformer en image peut très facilement supprimer l’information concernant la couleur. On voit le noir et blanc avant le post-traitement. Sur le papier et intellectuellement, c’est formidable.
Mon sentiment
Avoir eu en main ces boîtiers, cela m’oblige à reconnaître que le monde photographique évolue et qu’avec les hybrides de 2019, certains reflex paraissent dépassés. Essentiellement côté encombrement où le poids des boîtiers et de certains objectifs se fait durement ressentir. Les hybrides ont cet énorme avantage pour eux. Ils arrivent même parfois à se faire oublier. Mais durent ces heures d’utilisation, je n’ai pas été si heureux que cela. Alors était-ce la nouveauté ou un réel problème, j’ai eu l’impression de m’embêter, d’être le spectateur d’un film, de scènes projetées sur un écran. Comme si j’étais devenu simple spectateur au lieu d’être réalisateur. Comme si je ne savais plus composer mon cliché, que je subissais, qu’on m’avait enlevé le pouvoir d’interprétation de la réalité, c’est-à-dire l’essence même de la photographie. Déroutant, mais surtout dérangeant.
Le problème (mais en est-ce un ?) vient du fait que j’ai appris à composer, à créer mon image au travers d’un viseur optique encadrant une réalité sans modification d’aucune sorte. Mais surtout, sous l’influence de Roland B., j’ai pris l’habitude très tôt de prévisualiser mon image en dehors du viseur et de recourir à la réalité cadrée que quand j’avais une vision d’ensemble, pour terminer la composition au moment de déclencher. Certes, au final je vais post-traiter mes clichés devant un écran, ce qui induira un résultat peu naturel et donc faussé. Or la photographie est un art avec tout son lot d’interprétation propre à chaque artiste.
L’utilisation de l’EVF m’impose une image déjà interprétée, filtrée. Tout est fait par le boîtier et l’EVF qui montrent l’image « finie ». On voit une image reflétant la réalité du capteur. On prend alors ce que l’on voit, avec la lumière telle qu’elle est capable d’être prise par le capteur, avec le contraste et l’équilibre des couleurs en résultant. Ce qui m’amène à penser qu’utiliser de manière continue un EVF va très vite me faire perdre la vision humaine au profit d’une réalité interprétée par l’électronique. Je perdrais à terme l’influence de ce que voit mon œil sans filtre, et donc mon résultat final de ce que pourrait être un cliché. À mon sens, un vrai gâchis pour l’art photographique.
Une expérience plutôt mitigée, sur laquelle je reviendrais peut-être plus longuement un jour.