Régulièrement, j’entends, je lis ou je vois des choses qui m’énervent. Aujourd’hui, c’est sur les nombreux mythes en photographie. Et que nous colportons tous, plus ou moins, malheureusement ! En voici quelques-uns concernant les objectifs.
Le capteur a eu beau remplacer la pellicule argentique et le mode de capture de l’image être changé, il reste un point commun entre avant et maintenant, c’est l’objectif. Autant il est impossible de mettre une pellicule dans un boîtier numérique, autant il est tout simple de prendre un objectif à monture K de 1979 pour l’utiliser sur un K-1. Certes, rares sont les constructeurs à permettre une telle continuité, mais c’est tout à fait possible.
Un objectif excellent dans les années 80 devrait plutôt bien se comporter en 2016, à condition de pouvoir l’utiliser !
Est-ce le fait de cette universalité ou bien existe-t-il un autre facteur, toujours est-il que nous pensons que les objectifs détiennent des pouvoirs magiques.
Nous allons passer en revue 8 d’entre eux, en commençant, sans doute, par le plus connu d’entre tous !
1- Le mythe de l’objectif qui fait tout
Si ne jamais changer d’objectif est plus pratique, surtout en voyage, il est nécessaire d’accepter qu’un objectif doté d’un large range ne puisse pas être bon partout. Les lois de l’optique sont telles que concevoir un objectif qui va de 18 à 300 mm (pour le monde APS-C) avec une ouverture constante de f/4 (soyons raisonnables), reviendrait à construire un monstre très lourd et très cher !
Ce type de zoom est donc un compromis entre le poids, l’ouverture, le range proposé et la qualité de ce que l’on obtiendra.
Si les appareils reflex ont été conçus pour pouvoir changer d’objectif, ce n’est pas un hasard. Le reflex est adaptable à diverses situations.
Cela ne veut pas dire que tous les zooms soient mauvais. Il existe des pépites surprenantes comme les DA 16-85 ou DFA 28-105. Même avec une ouverture glissante, ils s’en sortent bien. Les DA 18-270 ou DA 55-300WR ne sont pas mal non plus. Mais il ne faudra pas leur demander plus que ce qu’ils sont capables de donner.
2- Un objectif de 1980 ne sera pas bon, en 2016
Si l’objectif était un « cul-de-bouteille » avant, aucune chance qu’il s’améliore par enchantement de nos jours. Mauvais il était, mauvais il restera. C’était le premier point.
Les meilleures pellicules des années 90, avant le début de la fin, avaient sur leur surface de 24x36mm, environ 6 millions de grains capables de prendre la lumière et former une image. 15 ans auparavant, c’était 2 fois moins. Les reflex numériques d’aujourd’hui ont 24 millions de pixels, soit 4 fois plus. Il est évident qu’un objectif qui a été conçu pour être au top pour 3 à 4 millions de grains argentiques le sera moins avec 24 Mpx. Certains défauts optiques, invisibles avant, peuvent devenir visibles parce que la résolution est plus importante, plus précise.
De plus, la fabrication de la verrerie a évolué, avec de nouveaux revêtements et d’autres choses qui améliorent la qualité. C’est d’ailleurs surtout sur ce point que les anciens objectifs seront défavorisés.
Néanmoins, cela ne veut pas dire que toutes les anciennes optiques soient mauvaises. Les excellentes des années 80-90 devraient se montrer plutôt bonnes en 2016. Par exemple, le Pentax FA 20-35 f/4, qu’on peut trouver sur le marché de l’occasion, se encore se défend très bien et pourrait en remontrer à certains. Même si en termes d’homogénéité il est en retrait par rapport aux objectifs modernes conçus pour le numérique.
Un objectif ancien peut donc se montrer bon encore aujourd’hui. Surtout si le boîtier est capable de mettre en évidence ses qualités. Ce qui n’est pas le cas de tous les boîtiers. Car plus les capteurs ont de pixels, plus leur utilisation devient compliquée.
3- La vision humaine ? C’est le 50 mm !
Oui, mais non.
Le champ visuel du capteur
Un objectif de 50 mm sur un 24×36 n’aura pas le même champ visuel quand il sera monté sur un APS-C. Et si on pouvait le montrer sur un Moyen-Format, ce serait encore différent. Pour que cette assertion soit vraie, il faut donc commencer par préciser dans quel cadre le 50 mm sera utilisé.
Petit rappel en passant, quel que soit le type de capteur, par convention la focale indiquée est toujours par rapport à un plein format (24×36). Il faudra donc opérer une petite conversion pour connaître le vrai champ visuel couvert. Comme vous le savez sans doute, ce dernier est différent en APS-C, à focale équivalente. Il faut appliquer un facteur compris entre 1,5 et 1,6 suivant les marques. Et en Moyen Format, c’est pareil. Pour le 645Z par exemple, ce coefficient multiplicateur est de 0,8.
Donc, un 50 mm en 24×36 (FF ou plein format en français) aura bien un champ visuel correspondant à un 50 mm. Mais en APS-C, il aura plutôt un champ visuel d’un 77 mm (sur FF), tandis que sur un MF, il aura plutôt un champ visuel d’un 40 mm (toujours en équivalent FF).
Le champ visuel de l’œil humain
Il faut savoir que l’œil humain est apte à couvrir un champ visuel horizontal d’environ 180° (côté champ visuel vertical, c’est moins). Sauf que, dès qu’on sort de la vision centrale pour aller vers les bords (intérieurs ou extérieurs), on perd en netteté et les couleurs commencent à ne plus être très fidèles.
L’œil a donc un champ visuel « parfait » plus restreint. Après discussions avec quelques ophtalmologistes, ce champ visuel serait compris entre 35 et 55°, suivant les individus. La moyenne étant de 43°. Donc un objectif entre 35 et 55 mm. Peut-on parler de hasard si Pentax a justement un FA 43 ltd en vente ?
Ce mythe est donc doublement faux :
- L’objectif qui sera au plus près de la vision humaine est plutôt un 43 mm (en FF) et non un 50 mm.
- Suivant le type d’appareil photo, il faut tenir compte de la correction à apporter. Donc, prendre un objectif compris entre 28 et 33 mm pour un APS-C (tiens, il existe un FA 31 ltd au catalogue Pentax !) afin d’avoir un champ visuel de 43 mm FF. Ou un 55 mm pour un MF !
4- L’objectif grand-angle, c’est un 20 mm ou un 24 mm ou…
Encore une fois, cela va dépendre complètement du format du capteur. Pour un 24×36, un 20 mm entre même dans la catégorie des « ultra grand-angle » (les UGA). Pour un APS-C, le coefficient multiplicateur fait que son champ visuel sera de l’ordre de 31 mm, donc loin du grand-angle. Il faudra plutôt se tourner vers une focale de 14 mm pour retrouver, en APS-C, un champ visuel équivalent au 21 mm.
En FF, le grand-angle, c’est plutôt 24 mm. Son équivalent APS-C, ce serait un 16 mm, tandis qu’en MF, ce serait un 30 mm.
5- Les fabricants trichent-ils sur les focales maximales des zooms ?
Sans doute ! Mais c’est sans une volonté réelle d’abuser ses clients. Ils ne font pas exprès (sauf cas d’espèce rare), de sérigraphier une valeur fausse sur le fût. Ils sont victimes des lois de l’optique.
Lors de la mise au point, les groupes de lentilles dédiés à la mise au point se déplacent. À l’infini, ces groupes de lentilles sont dans la position parfaite, où la focale maximale inscrite est la plus proche de la réalité. Mais, au fur et à mesure que l’on va faire la mise au point sur un sujet plus près de soi, les lentilles bougent et réduisent ainsi la distance focale. La valeur, inscrite sur le fût, diverge donc de la réalité.
Si tous les zooms subissent ce phénomène, certains, malheureusement, y sont plus sensibles que d’autres. C’est le cas des objectifs avec mise au point interne. Il s’agit manifestement d’un défaut de ce type de zoom. Ce qu’on va gagner en qualité d’image et en luminosité pour les distances courtes, on le perd en focale !
Je reviendrais sur ce sujet prochainement.
6- Plus la focale est importante, plus la profondeur de champ est plus faible
Dans les légendes photographiques, celle-ci est tenace. Mais, peu importe l’objectif utilisé, la profondeur de champ ne se modifie pas ! Jamais. Les perspectives, elles, se modifient et cela se voit sur les photos. Suffisamment pour donner l’impression que la profondeur de champ évolue.
Plus la focale est courte, plus on s’approche du grand-angle ou de l’ultra grand-angle, plus le sujet se déforme et plus l’arrière-plan se montre présent. À l’inverse, plus la focale est importante, plus le sujet est « naturel ». Comme l’arrière-plan se resserre, il donne une meilleure impression d’harmonie, car le flou, « lointain » avec un UGA s’est rapproché et est plus présent.
Par contre, ce qui est vrai, c’est que plus l’ouverture est grande, plus petite sera la profondeur de champ, car la zone horizontale de netteté sera petite (en macro, ceci est plus relatif).
7- Plus l’objectif est piqué, d’une précision « de médecine légale », meilleure sera la photo
Certains aiment que le niveau de piqué soit très élevé. D’autres préfèrent le côté crémeux que peuvent avoir certains objectifs.
Si vous faites un portrait avec un objectif hyper piqué, vous ferez apparaître tous les défauts de la peau, tous les pores, les poils. Chaque léger dévers se transformera en ride. Et finalement, rares seront ceux qui apprécieront de se voir ainsi. Par contre, pour des photos macro, ce type d’objectif est à privilégier.
Ce qui devra vous guider dans un achat d’objectif, c’est ce que vous souhaitez en faire et en obtenir. Et une fois que vous aurez votre nouveau joujou, apprenez à l’utiliser ! Il faut connaître ses qualités et ses défauts, savoir ce que vous êtes capable d’en obtenir.
8- Une focale fixe, c’est mieux que les zooms.
Ce mythe est laissé à l’appréciation de chacun. Et il fait l’objet de nombreux avis, débats et foires d’empoigne entre les tenants des deux thèses.
De mon point de vue, il n’y a pas mieux qu’une excellente focale fixe pour travailler dans des conditions de lumière difficiles ou pour obtenir des images très nettes. Et si on ne fait pas mieux qu’une focale fixe, c’est qu’elle est plus simple à mettre au point et qu’elle n’est pas le résultat de compromis.
Mais voilà, les zooms ont fait des progrès importants et certains sont capables de tutoyer les très bonnes focales fixes. Sans compter que les zooms sont polyvalents et qu’ils sont donc, de fait, irremplaçables. Rien de plus rageant que de devoir changer d’objectif alors qu’il y a un bon sujet qui se présente, parce que la focale n’est pas suffisante. Certes, on peut zoomer avec les pieds, mais cela peut se révéler dangereux ! (importante recrudescence des accidents dus aux selfies par exemple)
Si une focale fixe produit certainement la meilleure image, le zoom, de par son range, permettra sans doute d’avoir la bonne image au bon moment. Et c’est ce qui va compter pour moi et de nombreux photographes.