Dans la catégorie « C’est quoi ? », voici celui consacré à l’histogramme, une représentation graphique d’un cliché, mais dont beaucoup ne comprennent pas et ne savent pas quoi en faire.
Quelques Notions
Commençons par une explication de ce qu’est un histogramme
Même si pour simplifier la plupart des personnes utilisent plus familièrement le terme « histogramme », dans la pratique il faudrait plutôt dire « histogramme des tonalités« . Celui-ci, en photographie, est une représentation graphique de la répartition des zones de lumière dans votre photo. Autrement dit, l’histogramme va donner des informations mathématiques sur l’exposition de votre image. Ainsi, on pourra savoir si elle est contrastée, sombre, claire, avec des zones cramées, etc. Mais c’est sans doute cet aspect scientifique qui rend l’histogramme aussi peu populaire auprès des utilisateurs.
Capteur et image numérique
J’en profite pour faire un petit rappel sur l’image numérique. La photographie, cela veut dire « peindre avec la lumière ».
En numérique, la lumière est capturée par un capteur et ses millions de photosites (et chaque photosite représentera ensuite 1 pixel). Chaque photosite va transformer la lumière en une charge électrique. Cette dernière est indépendante de la couleur qu’elle ne sait pas reconnaître. Ce qui explique les différentes astuces employées par les ingénieurs, comme la matrice de Bayer ou le procédé Fovéon de Sigma, pour justement avoir la lumière correspondante aux 3 couleurs primaires (Rouge, Vert et Bleu).
Autre particularité des capteurs, la charge électrique produite par les photosites est proportionnelle à la lumière reçue. Or notre œil ne fonctionne pas de la même manière et là où un photosite peut être « ébloui » suite à une forte luminosité, notre œil va s’adapter pour éviter tout éblouissement. Là encore, divers procédés électroniques seront utilisés pour réduire le phénomène, mais en termes de dynamique, l’œil reste plus puissant qu’un capteur. Le photographe a donc besoin d’une aide pour contrôler ce que propose le capteur. Et cette aide, c’est justement l’histogramme.
Tons clairs, tons sombres
Un RAW n’est pas une image bitmap. Il s’agit juste de données brutes numériques qui ne connaissent pas la notion même de couleur. C’est le logiciel d’interprétation (Lr, Camera Raw, Luminar, DxO, Capture One, etc.) qui proposera une image à partir de ces données brutes. C’est la raison pour laquelle il y a souvent une image JPEG minimale en termes de résolution et de qualité qui est incluse avec le fichier RAW. Celle-ci va permettre une visualisation rapide sur l’écran de l’appareil photo, ou sur votre ordinateur, en attendant que votre logiciel fasse son travail. L’histogramme lui, va se baser sur l’interprétation JPEG et non sur le fichier RAW (qui contient plus d’informations). Ce qui veut dire qu’un histogramme sera toujours plus utile pour ceux qui shootent en JPEG que pour ceux qui shootent en RAW !
Dans un histogramme les zones sombres (ou foncées ou noires) sont à gauche, tandis que les zones claires (ou blanches) sont à droite. Comme l’image est codée sur 8 bits (JPEG oblige), chaque couleur primaire (Rouge, Vert et Bleu) proposera 256 niveaux de tonalité. Cela ira du 0 (noir absolu) à 255 (blanc absolu). Chaque hauteur va définir la quantité de lumière par tonalité. Ce qui proposer une courbe.
Attention, les logiciels permettant du post-traitement n’utilisent pas forcément le même vocabulaire, mais que l’on parle de noirs ou de tons foncés, il s’agit de la même notion (il en va de même pour les tons clairs et blancs).
Une photo est constituée de la somme des tons sombres, des tons moyens et des tons clairs.
Les histogrammes sont accessibles soit directement sur votre boîtier, soit au travers de votre logiciel graphique favori. Il est possible d’avoir une vue globale ou par couche couleur (RVB). Dans ce dernier cas, l’histogramme ne va concerner que la couleur sélectionnée.
Sur les boîtiers Pentax, il est possible d’avoir les histogrammes en appuyant sur la touche INFO. Vous pouvez, lors de la visualisation des photos, disposer d’un histogramme soit sur les 3 canaux ensemble, soit sur les 3 canaux couleur séparés. Mais toutes les marques proposent cette fonctionnalité et le manuel vous attend si vous ne savez pas comment l’activer.
Répartition et interprétation générique
L’histogramme est un outil qui donne des informations sur l’exposition d’une photo. Quand il y a un pic à gauche, cela semble indiquer qu’il y a une sous-exposition de l’image. Qu’elle est donc trop sombre. Quand il y a un pic à droit, cela semble dire qu’il y a au contraire une surexposition de l’image. Qu’elle est donc trop claire !
L’image présentée ci-dessus présente un vrai problème en termes de lumière comme le souligne justement l’histogramme associé : une concentration de tons sombre à gauche et un pic de tons clairs, collés à droite. La conclusion est sans appel, la photo est à la fois sous-exposée et cramée ! Cela vient du fait qu’elle a été prise à l’ombre avec le soleil d’été se reflétant dans la mer dans le trou formé par les branches des arbres. L’histogramme confirme donc ce qui était visible à l’œil nu, en regardant la photo sur un bon écran. La même photo vue sur l’écran du boîtier n’aurait sans doute pas été perçue ainsi.
Heureusement que le cliché a été pris en RAW, ce qui a permis de sauver un peu le cliché. Le résultat de la seconde ligne permet de constater que la répartition est plus « harmonieuse » et que, surtout, la partie cramée est désormais absente.
Un histogramme « standard » va proposer une courbe harmonieuse, sans pics démesurés, et où les « extrémités » droite et gauche sont presque dépourvues. Sauf que bien évidemment, ce n’est pas aussi simple que ça. Certaines photos possèdent des histogrammes très nettement différents, tout en étant bonnes.
Quand il y a un pic à gauche, cela semble indiquer qu’il y a une sous-exposition de l’image. Qu’elle est donc trop sombre.
Quand il y a un pic à droit, cela semble dire qu’il y a au contraire une surexposition de l’image. Qu’elle est donc trop claire !
D’où la question : y a-t-il un bon histogramme ?
Oui, mais non. Une vraie réponse de normand. Mais ce n’est pas pour se moquer. C’est une réalité.
Certains dogmatiques de l’image préconisent qu’une bonne photo se doive d’avoir un histogramme répondant au « standard » évoqué ci-dessus, c’est-à-dire parfaitement et harmonieusement réparti. La courbe se doit d’être douce, sans pic brutal d’un côté ou de l’autre.
Évidemment, je ne suis pas en phase avec cette vision, car l’histogramme n’indique que la répartition de la lumière dans une image. En aucun il indiquera si la photo est bonne ou pas. Car une photo peut être tout à la fois sombre/très sombre/claire/très claire ET excellente. Tout va dépendre des conditions de prise de vue, comme les photos de silhouette, celles dans la neige, les high keys ou les low key. Il est normal qu’un histogramme s’éloigne d’un « standard » qui n’existe que dans l’esprit de certains. De très nombreuses images prouvent le contraire. Certaines peuvent être très marquées à droite ou à gauche et pourtant les clichés seront excellents.
En fait, l’histogramme est un outil qui donne des informations sur l’exposition de votre photo. Mais c’est tout ! Contrairement à ce que certains ayatollahs intégristes veulent le faire croire, jamais un histogramme ne vous dira si une photo est bonne ou mauvaise.
Ces photos proposent une tonalité très sombre, voulue et assumée. Les clichés seraient-ils meilleurs si la courbe était standard ? Non.
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Une photo, ce n’est pas scientifique, pas cartésien. Il n’est pas possible que des photos soient bonnes uniquement parce que l’histogramme est idéal ou pour toute autre raison du même genre. Une photo, c’est (surtout ?) une histoire, une émotion. Il convient de replacer l’histogramme à sa place, celle d’un outil indiquant uniquement la répartition de la lumière dans un cliché.
Une photo peut-être sombre ou claire sans qu’elle soit mauvaise. Et le contraire aussi, bien évidemment. Pour être honnête, il convient de reconnaître que les photos franchement sur-ex ou sous-ex ont toutes les chances d’être bonnes pour la poubelle.
Donc, suivant les types de photo que vous faites, un histogramme bien interprété peut vous donner de précieuses indications sur ces fameuses zones surex ou sous-ex. Si vous constatez à l’histogramme que votre photo est sous-exposée ou surexposée et que ce n’est pas dans votre intention photographique, alors vous pourrez très vite corriger le problème et refaire des clichés… Avant d’avoir quitté les lieux.
En post-traitement, vous pourrez ajuster plus finement l’exposition, surtout si vous exploitez des fichiers RAW, ces derniers disposant de nettement plus d’information que des images JPEG. Mais cela ne veut pas dire que vous pouvez faire n’importe quoi et tout rattraper après sur l’ordinateur. Non, il convient que votre image dispose de bonnes bases dès la prise de vue. Il vous appartient donc de vous appliquer quand vous déclenchez. La composition et une attention aux détails sont essentielles.
Quand doit-on s’en servir ?
Il existe au moins 2 moments de la vie d’une photo qui permettent son utilisation :
- Au moment de la prise de vue, enfin juste après pour les reflex. Votre appareil de photo permet de visualiser les histogrammes. Certains préconisent même de le laisser actif en permanence pour le mode prévisualisation de la photo (ce moment où la photo reste affichée quelques secondes après la prise de vue). Je ne fais pas partie de cela. Par contre, il m’apparaît clairement que si vous ne vous sentez pas en mesure de voir à l’œil nu si une image à un problème ou pas, il ne faut pas hésiter à utiliser cet outil. Il vous permettre de vous éviter quelques mauvaises surprises plus tard. À noter que les hybrides à visée électronique permettent d’avoir cet histogramme dans le viseur avant la prise de vue ! Ce qui peut s’avérer intéressant. Pour corriger votre image à la prise de vue, n’hésitez pas à utiliser la correction d’exposition (la fameuse touche avec le sigle +/-), qui va décaler vers les basses ou les hautes lumières les automatismes de votre boîtier.
- Lors du Post-Traitement. Vous pourrez alors travailler plus finement sur votre photo en ayant la visualisation de l’histogramme en temps réel. Évidemment, plus il y aura de la matière dans vos clichés, plus vous aurez des chances d’améliorer l’image. Le RAW est donc presque un prérequis obligatoire. Attention tout de même, il ne faut pas croire que tout est rattrapable grâce à la magie du numérique ! Sans une bonne base, rien ne pourra se faire.
L’histogramme est donc un facilitateur de vos clichés qu’il convient de connaître, d’être familier. Si certains préconisent de le laisser actif en permanence, d’autres pensent le contraire. Il n’y a sans doute pas de « bonne école » en la matière. Le mieux est donc d’expérimenter et voir ensuite si cela vous apporte quelque chose. Et si c’est le cas, alors adoptez-le.
Crédit photo & illustrations : © fyve